Entretien. Papy Mavua Makonda : « Il y a autour du football tout un système économique qui peut se développer »

Papy Mavua Makonda, le natif de Kinshasa et entraîneur de football également en charge du foot solidaire en République démocratique du Congo, a su bâtir sa carrière loin de ses origines. Dans cette interview, il partage avec nous son parcours, ayant été coéquipier avec des figures comme Samba Diawara et Didier Drogba.

Il révèle également ses expériences vécues au Congo et ses projets futurs.

Bonjour, Coach Papy. Pourriez-vous vous présenter aux passionnés de sport qui ne vous connaissent pas ?  Votre parcours de joueur à entraîneur de football

Mon nom est Papy Mavua Makonda, je suis entraîneur de football et responsable du foot solidaire en RDC. Mon arrivée en France s’est faite à l’âge de 9 ans, après ma naissance à Kinshasa, en République démocratique du Congo. J’ai dû patienter pendant 8 ans avant de réaliser mon premier rêve dans le football amateur à Garges, où j’ai commencé à 17 ans. J’ai débuté ma carrière de footballeur tardivement en raison du désir de mon père de me voir privilégier l’école plutôt que le football. Même si j’ai débuté tardivement, cela ne m’a pas empêché de mener une petite carrière. Après quatre ans à Garges, j’ai suscité l’intérêt du RED STAR, ce qui m’a permis de rejoindre leur centre de formation et d’avoir l’opportunité de jouer aux côtés de Franck Emery, le père de Warren Zaïre-Emery. Steve Marlet, Samba Diawara entre autres… Par la suite, j’ai intégré Levallois en National 2 où j’ai eu l’occasion de jouer avec Didier Drogba.

J’ai aussi évolué à l’Entente Sannois-Saint-Gratien pendant 8 ans, manquant de peu la promotion en Ligue 2. Par la suite, j’ai rejoint le Racing de France où j’ai passé 6 années. Ma carrière de joueur, je l’ai finie en passant par les clubs de Franconville, Montmagny et St-Brice.

En même temps, j’ai constamment poursuivi l’obtention de mes diplômes d’entraîneur et j’ai occupé divers postes en tant qu’entraîneur et directeur sportif.

En 2023, vous avez choisi de retourner au pays pour relever un nouveau défi sportif. Qu’est-ce qui vous a conduit à Kinshasa ?

Comme je l’ai évoqué, j’ai immigré en France à 9 ans et j’étais détaché de mes origines congolaises. C’est davantage ma sœur qui m’a encouragé à retourner à Kinshasa, juste pour voir, et, grâce à mes compétences, je pourrais apporter plus au pays. C’est ainsi que je suis allé au Congo, et c’est là que j’ai réussi à créer des connexions.

J’observais des jeunes s’adonner à différents jeux sur divers terrains, ce qui ravivait quelque chose en moi. J’ai immédiatement compris que Dieu m’avait mis à cœur que j’avais une mission destinée à ces jeunes.

Quels obstacles avez-vous rencontrés au Congo, qu’il s’agisse d’infrastructures, de financement, de sponsoring ou d’organisation ? Ces difficultés ont-elles eu une influence sur votre projet ?

Il y avait tellement d’obstacles, D’abord, du point de vue administratif, cela nous a pris au moins un an pour mettre tous les documents en règle, c’était épuisant.

Concernant les infrastructures, il n’existe presque rien pour ces jeunes. En ce qui concerne les sponsors et les partenaires locaux, c’est plutôt sous-développé. Au Congo, nous n’avons pas de partenaires, le seul partenaire que nous avons est nous-mêmes. Ma sœur, moi-même et quelques amis congolais qui sont membres de l’association.

Parfois, ce sont des personnes qui nous connaissent qui contribuent de manière matérielle ou financière.

Selon vous, quels sont les facteurs qui entravent le progrès du football congolais ? Quelle est votre vision pour l’avenir du football congolais ?

Le manque de vision. On s’emballe pour le travail des autres (binationaux), le manque des infrastructures. Les Congolais possèdent des richesses inestimables, mais ils en sont inconscients, et ce constat s’applique à tous les secteurs. Dans ma perspective, l’avenir ne se limite pas au football. Nous avons besoin d’infrastructures appropriées et de formateurs compétents. Nous avons besoin de terrain, de personnes bien qualifiées et de matériels. Nous devons réussir à former sur place, nous avons le potentiel pour être comparables au Maroc.

Quelle serait la formule idéale à adopter pour attirer les sponsors et investisseurs afin d’accroître les revenus et améliorer la visibilité des joueurs congolais ?

Il est nécessaire d’éduquer des individus, car le domaine sportif est également un secteur commercial. Ainsi, il est possible d’élargir ce domaine et d’attirer des partenaires. L’éducation et le changement des mentalités basés sur des valeurs de loyauté et d’intégrité. Il y a autour du football tout un système économique qui peut se développer. On ne doit pas compter que sur l’État, mais l’État doit aussi mettre des choses en place pour inciter et encourager les entreprises à s’investir et à aider les clubs sportifs. Pour l’État, l’éducation par le sport est et doit être un vecteur prioritaire d’insertion sociale pour la jeunesse. Un match de football est un évènement sportif qui peut générer tout autour beaucoup d’argent. Investir dans des infrastructures pour former la jeunesse et les sportifs permettra aussi de valoriser lors des grandes compétitions non seulement l’investissement de ces entreprises, mais aussi le Congo.

Vous détenez une licence UEFA A, un diplôme de renom en Afrique. Pourquoi n’avez-vous pas trouvé un club aux championnats congolais ? Est-ce dû à un manque d’opportunités ou à des décisions personnelles ?

Oui, en effet, je détiens un diplôme UEFA A et j’ai également une qualification en tant que préparateur mental. Pour répondre à votre question, je dirais que c’est davantage lié à un manque d’opportunités qu’à une décision personnelle. Mon désir est bien évidemment de m’investir dans le football congolais. Mais j’ai comme l’impression que nous faisons peur. On ouvre plus facilement la porte aux étrangers qu’à nous les entraineurs de la diaspora. Pourtant, nous sommes tellement nombreux à avoir les diplômes et les compétences nécessaires et à être prêts à venir nous investir dans le football chez nous. Nous les faisons déjà ici en France ou ailleurs, surtout en région parisienne, qui, je rappelle, regorge de beaucoup de joueurs congolais mais aussi de très bons coachs qui font un travail énorme dans le plus grand vivier mondial en termes de formation. Mais bon, je garde espoir que des sérieuses opportunités se présenteront un jour.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre projet Foot solidaire ?

Foot Solidaire RDC fait partie d’une branche internationale de Foot Solidaire. L’objectif de ce projet est de protéger les jeunes joueurs africains. Nous cherchons à défendre ces jeunes contre les marchands de rêves, tout en éduquant aussi les jeunes sur la réalité du football en Europe. Nous participons au programme YOPPA (Young Players’ Protection in Africa), qui comprend des mesures d’écoute, de médiation, d’information, de sensibilisation, d’accompagnement social, de santé, de prévention et de promotion des bonnes pratiques dans les BIJFOOT. À Kinshasa, notre siège social est situé à Masina, au Congo. Nous envisageons d’élargir notre présence au Katanga, à Matadi et dans d’autres villes et provinces. Mon projet à long terme pour le Foot solidaire ne se limite pas au football, il prévoit également d’embrasser d’autres disciplines et de proposer une initiative accessible à toutes les disciplines.

Après votre expérience à Kinshasa, vous êtes retourné en France pour entamer un nouveau projet. Quels sont vos objectifs à long terme ?

Mon retour en France est momentanément professionnel, car ne trouvant pas encore de travail au Congo. Tout en restant dans mon domaine, l’éducation, sport et jeunesse, je travaille ici pour essayer de créer des synergies entre ici et là-bas. Je suis un rassembleur et je suis convaincu que c’est ensemble que nous allons faire que notre pays sortira du trou dans lequel il est depuis trop longtemps. Nous avons cette responsabilité. Chaque Congolais a cette responsabilité. Chacun dans un domaine. Pour mon cas, c’est simplement ma contribution à travers ce que j’ai en moi. Je continue donc d’apprendre et d’acquérir encore plus d’expérience et de savoir pour, à moyen et long terme, et quand les opportunités se présenteront, donner tout cela aux miens.

Propos recueillis par Henock MBUKU

 

 

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